Moudenc et l’hôpital, une grande histoire de profit

« Les pauvres n’ont jamais eu leurs historiens ; les seules sources qui les mentionnent sont, entre autres, celles des Hôpitaux. » C’est ce qu’on peut lire en premières lignes de l’histoire de l’hôpital de La Grave. Cet hôpital de proximité en centre ville était très apprécié des toulousain·es, notamment des plus précaires et des étudiant·es des universités à proximité.

Ielles pouvaient profiter des services de soin liés à l’intimité et au médico-social (Halte Santé, Centre de Santé Sexuelle, évaluation des fragilités et de prévention de la dépendance…) sans avoir à traverser toute la ville. Cet équilibre est pourtant malmené depuis plus de 10 ans déjà. Nous assistons au triste spectacle du profit mangeant les besoins essentiels des populations.

 

La Grave, 9 siècles d’existence balayés pour un hôtel de luxe.

L’Hôpital de La Grave voit sont histoire s’achever ; et pour quelle raison ? Laisser place à un luxieux projet immobilier. Depuis plusieurs années, le site de La Grave est convoité par des promoteurs immobiliers privés ; car oui, un quartier pareil promet gros en termes de bénéfices. Mais c’est en juin 2016 que l’affaire se conclut avec le soutien de Jean-Luc Moudenc et que le groupe Kaufman and Broad s’en empare. Ce dernier prévoit la destruction totale du site hospitalier, pour y faire construire un hôtel quatre étoiles, des logements de luxes, et des commerces, tout ça rassemblé dans de gigantesques barres d’immeubles. Il s’agit d’un projet démentiel avoisinant les 100 millions d’euros, qui va de bon train depuis l’obtention du permis de démolir-construire en 2018. On n’oubliera pas la lutte du Collectif de Défense de l’Hôpital La Grave (né du regroupement d’hospitalier·es, d’usager·es, de syndicats, d’associations) qui s’est très tôt inquiété de la suppression de l’accès aux soins pour les plus précaires en centre ville.
En passant ce genre de contrat avec le privé, la ville de Toulouse s’inscrit dans la politique de sappage massif des services publics, en particulier dans le secteur médical, ce qui n’est malheureusement pas une nouveauté chez ceux qui nous gouvernent. En effet, l’abandon de l’hopital de la Grave est médité de longue date et s’inscrit dans la logique de casse des services publics au profit des acteurs privés.

 

Chronologie du démentellement du système de santé toulousain.

Coup de poing collosal en 2004, avec le grand projet de modernisation des hôpitaux et de restructurations des services autour de pôles, dans le cadre du « plan hopital 2007 » à l’échelle nationale. Ce dernier prévoit d’instaurer des mesures (aujourd’hui en vigueur) qui dégradent directement les conditions de travail du personnel et la qualité des soins : tarification à l’activité, remplacement de medecins par des managers aux postes de direction, partenariat public-privé, etc. Conséquence à Toulouse : sous pretexte de construire des nouveaux sites pour réunir les types de soins par pôles (un nouveau à Purpan, implantation d’un site à Ancely et d’un à Larrey), on réduit en réalité la capacité d’accueil du système de santé toulousain car ce qui est construit ne rattrape pas ce qui est détruit. C’est ce qu’il se passe avec La Grave.
Déjà, depuis 2010, l’hopital transfère ses services (Gériatrie, Pédo-psychiatrie, Centre de Santé Sexuelle, PASS, Halte Santé) à l’hopital Garonne, site nouvellement construit à Purpan en 2009 qui reçoit de moins en moins de patient·es, à cause de cet éloignement. Mais qu’on ne s’y meprenne pas : le nouvel hôpital dispose de moins de 200 lits, tandis que le site de La Grave à lui seul en comptait au moins 350 à une époque. Aujourd’hui, il n’y en reste plus qu’une 30aine, et bientôt plus aucun…


Au delà de la défense d’un service médical performant répondant aux besoins de toute la population toulousaine, notamment des plus précaires, ce site est victime depuis plus de 10 ans d’une partie de ping-pong affligente de la part des partis politiques à la course de la Mairie. Lorsque que le maire Cohen (PS) en 2013 essaye de se rappeler qu’il est de gauche en proposant d’en faire une résidence d’artiste et un musée de l’hôpital, Moudenc (UMP) propose à son tour le projet réchauffé d’un hôtel de luxe imaginé par Philippe Douste-Blazy (un ancien ministre de la santé !!!) déjà depuis 2005.
Encore récemment, en 2017, 10 hectares de l’hôpital Larrey étaient prévus à la vente pour y installer des logements, poussé par l’État et appuyé par la Mairie pour réduire son déficit. La même logique comptable a valu à l’hôpital Ducuing en 2019 des menaces sur la fermeture de son service d’urgence. Depuis le 10 mars 2020, ce dernier est fermé après 18h sur décision de la direction après plusieurs semaines de grève des personnels qui demandaient des moyens humains pour justement assurer leurs missions en fin de journée et en nuit.
Les acteurs sociaux, syndicaux, associatifs portent la voix des usager·es, patient·es, soignant·es pour la sauvegarde d’un service public hospitalier fonctionnel en centre ville. Toutes les sonnettes d’alarmes ont été purement et simplement ignorées pendant près de 20 ans. Preuve une fois de plus du mépris qu’applique continuellement le pouvoir sur les populations qui sont les vraies concernées.

 

Moudenc : mercantilisme contre besoins essentiels.

Le projet de Moudenc et de ses acolytes : ramener le quartier de St Cyprien, rive gauche, dans la droite ligne de la gentrification de l’hyper centre rive droite, excluant encore une fois la mixité sociale et le caractère populaire qui est la marque historique de ce quartier.
La privatisation des hôpitaux, ainsi que la restriction des services au profit du tourisme de luxe nous montre vers quoi nous allons. Où iront se faire soigner les personnes ne pouvant se payer une assurance privée au prix exorbitant ? Où irons les femmes enceintes, maintenant qu’une des plus importantes maternité de Toulouse disparaît ? Un hôtel quatre étoiles est-il en capacité d’offrir des lits de réanimations avec respirateurs pour les cas graves atteints du Covid-19 ?


Les vrais acteurs sociaux, organisations, associations, syndicats, font le travail de terrain pour réduire le fossé des inégalités qui s’élargit de plus en plus au nom du profit. Tous les jours elles pansent les plaies d’une humanité rongée par des promoteurs et des politicien·nes incompétent·es et irresponsables, laissant les précaires et les vrai·es concerné·es sur le carreaux. Quand ces acteurs et actrices de la vie de tous les jours qui élèvent leurs voix bénévolement pour plus de dignité, contre un monde qui va à l’envers, seront ielles écouté·es et respecté·es ?
Comme d’habitude, ce sont les plus défavorisé·es qui trinquent, tandis qu’en haut, on se gave ! Reprenons le contrôle de nos vies, construisons la socialisation de l’hôpital public avec et pour les concerné·es, loin des actionnaires, promoteurs, communiquants, publicitaires qui sont à l’opposé des services essentiels à nos vies et qui nuisent au besoin d’un système de santé ouvert à toutes et tous, pour le bien commun.