En réponse aux directives gouvernementales contre la propagation de la Covid-19, les discours aux allures conspirationnistes contre la nécessité du port du masque en public vont bon train. Leur argumentaire principal : il serait scandaleux d’attenter à notre liberté individuelle au nom de mesures arbitraires édictées par un État qui n’écoute que les arguments qui l’arrangent. On voudrait donc nous museler en nous imposant des masques inutiles. Nous pensons que ce type de discours est néfaste, peu constructif, et qu’il ne provient – a minima – que de la seule habitude du contre-pied ; pas de la réflexion.
Que les choses soient claires ; il ne s’agit pas ici de défendre l’action gouvernementale dans cette gestion de crise, ni de vouloir fliquer les individus par des discours culpabilisants, mais plutôt de déconstruire la vision complotiste que certain·es nous proposent.
Que les gestes barrières ne soient pas toujours bien appliqués, c’est inévitable, et les sermons n’ont pas lieu d’être. En revanche, inciter les autres à ne pas les respecter, c’est faire courrir un danger à toutes et tous en ne pensant finalement qu’à son confort personel.
Déconstruisons la masquarade
Passons rapidement sur la première partie du récit complotiste et qui prétend que la création volontaire du virus est imputable aux chinois et leurs alliés complices – dont la France, les médias et les juifs par exemple – pour aller directement observer la séquence qui nous intéresse.
Lorsque les masques ont cessé de manquer, certains discours contestataires ont voulu se recycler en accusant le gouvernement de vouloir nous bâillonner.
Sauter sur la première explication simpliste à portée de main ne fait avancer ni le débat, ni la situation. Bien sûr que l’État est notre ennemi, il n’a pas attendu l’apparition de masques en tissu pour le prouver !
Mais ces masques font partie des moyens à disposition pour lutter contre le coronavirus. C’est avant tout le point de vue de l’immense majorité du corps médical et ce constat doit être décorrélé de notre rejet de l’État.
Nous avons dépassé le million de décès déclarés officiellement dans le monde et les sujets légitimes de contestations ne manquent pas. De la sauvegarde de l’hôpital public à la précarisation généralisée, en passant par le racisme et la soif de répression. Nul besoin de faux prétextes pour se soulever. Nous devons être capables de critiquer l’État, d’ignorer ses injonctions xénophobes, d’échapper à son giron, sans se réfugier dans d’obscurs discours niant toutes analyses systémiques ou scientifiques.
Ne laissons pas nos camarades se faire manipuler
La défiance envers les institutions étatiques ne produit pas nécessairement un discours libertaire. Au contraire, le discours individualiste est liberticide s’il est déconnecté des questions sociales et du combat de classe. Les libertaires ont toujours mis la place de l’individu au sein de la dynamique collective qui mène à la révolution sociale. Tout comportement se prétendant libertaire qui n’intègre pas cette dimension politique n’est pas pertinent et dessert notre objectif révolutionnaire.
Cette thèse d’une stratégie gouvernementale savamment orchestrée pour nous faire taire semble faire son bout de chemin dans une partie de ce qu’on appelle « la gauche ». À ces personnes – que nous voudrions allié·es – nous tenons à dire que « la liberté des autres, étend la nôtre à l’infini ». Cette adage nous remet sur le chemin de la responsabilité collective, là où tout notre environnement actuel nous pousse à l’individualisme.
Sachons voir que la liberté individuelle de ne pas mettre de masque est préjudiciable pour la liberté qu’ont les autres de ne pas se sentir menacé quand ils sortent de leur foyer. C’est encore plus vrai pour celles et ceux obligé·es d’aller travailler.
Le masque est efficace pour limiter la propagation
Les constats médicaux contradictoires, qui jalonnent l’information au quotidien, montrent que personne ne sait comment la situation évoluera. Ce dont nous sommes sûr·es, cependant, c’est que la différenciation de classe n’y est absolument pas évoquée. Le mal-logement, la malbouffe, factrice d’obésité et de diabète, les attaques sur la santé publique, l’exploitation dans des métiers de première nécessité payés au lance-pierre (restauration, commerce, services, santé publique, etc.) ont mis en première ligne les couches travailleuses les plus pauvres et leurs familles, que ce soit en France ou dans le reste du monde.
Depuis les épidémies qui ont frappé le sud-est asiatique, cela fait une vingtaine d’années que nous savons que le port massif du masque a un effet efficace sur la propagation des virus. C’est ainsi dans une logique d’autodéfense de classe que nous tenons au masque comme faisant partie de nos outils de protection sanitaire pour freiner le développement et la transmission de la Covid-19. Toutes celles et ceux qui aujourd’hui s’activent contre le port du masque ne visent finalement qu’à briser cette forme de solidarité populaire.
Contre l’État, les patrons et le virus : solidarité et lutte des classes
Prenons garde, enfin, à ce que cette pensée véhicule et les impasses vers lesquelles elle mène ! Les validistes pourraient dire qu’iellse sont encore jeunes, et qu’ielles ne sont donc pas en danger. Les virilistes pourraient dire que porter un masque c’est se parer de faiblesses. Les irresponsables jureront que ça n’arrive qu’aux autres de tomber malade… Tout ça n’est peut-être qu’exagération, mais ce qui est certain c’est qu’il y a du petit-bourgeois individualiste dans les discours poussant à cette pseudo désobéissance. « Après tout, on a les moyens de se faire soigner alors si ça doit arriver, que ça arrive », « Au pire on sera re-confinés, et moi je pourrai télétravailler », « tant mieux si cela nous incite au changement » ! Facile à dire quand on ne le subit pas de plein fouet … Soyons attentifs car les fantômes du darwinisme social et du malthusianisme rodent toujours ! Nul besoin d’une grande clairvoyance non plus pour comprendre que si nous nous embourbons dans le confusionnisme , les sociaux-démocrates tout autant que les tenant-e-s du libéralisme, ne manqueront pas de s’en servir une fois encore pour renvoyer dos à dos la gauche radicale et la vase d’extrême-droite…
Nous voudrions toutes et tous un quotidien sans épidémie, c’est certain. Et il nous arrive bien évidemment de nous arrêter, de regarder autour de nous et de nous demander comment, en six mois, on a pu s’infliger autant de masques, de plexiglas, de films alimentaire. L’aigreur est humaine. Mais le réel est là. Et s’il est manifeste que l’État capitaliste saute sur l’occasion pour assouvir son besoin de contrôle, ne nous tirons pas une balle dans le pied en réponse. Le vrai danger est à chercher du côté des gouvernements libéraux qui dé-priorisent la santé publique et privatisent le système de soins pour viser plus de profit et de croissance économique.
Les masques ne sont pas la panacée, mais ce n’est pas une raison pour se positionner contre. À l’inverse, ce n’est pas parce que les très petites autorités locales nous ordonnent de les porter qu’il faut le faire. C’est notre volonté de nous protéger, nous et nos proches, qui doit prévaloir. Faisons appel à notre sens de la solidarité, nos pratiques autogestionnaires, et notre besoin de mener nos luttes collectivement. Mais ne nous attardons pas sur les théories fumeuses de quelques parvenus conspirationnistes et réactionnaires.
Union communiste libertaire Toulouse et alentours le 19 octobre 2020