Comme dans tous les secteurs, l’épidémie a pris de cours l’institution judiciaire. Les normes sanitaires dans les tribunaux,les commissariats et les lieux de privation de libertés (prisons, centres de rétention administrative, hôpitaux psychiatriques) déjà déplorables depuis des décennies, accentuent la propagation et les conséquences de ce virus.
Les contentieux
La fermeture précipitée des tribunaux le lundi 16 mars 2020 a suspendu l’ensemble des contentieux, à l’exeption de certains comme ceux dont le maintien ne répond pas à une exigence sanitaire, mais uniquement à un objectif de répression. Ainsi, le contentieux n’est pas suspendu pour les personnes détenues provisoirement dans l’attente de leur procès (majeur-es et mineur-es).
De même, pour que les délais de détention provisoires soient respectés, les comparutions continuent et cela même en période de confinement. Ce qui pourrait être empiré puisque la loi d’exception prévoit ’allongement des délais de détention provisoire. Au lieu de placer des personnes présumées innocentes sous contrôle judiciaire, l’Etat fait donc le choix de les enfermer plus longtemps.
Le droit des sans-papiers
Un autre pan de la justice qui continue de fonctionner est celui du contentieux de l’éloignement des sans-papier et leur privation de liberté. Si certaines préfectures de France ont fait évacuer les centres de rétention pour éviter les épidémies, c’est essentiellement sous la pression des policiers qui refusaient de travailler dans ces conditions.
La rétention administrative ne doit avoir pour seul objectif que son éloignement du territoire, chose rendue impossible par la fermeture des frontières. Le placement en rétention, même s’il est encore demandé par des juges est donc complètement injustifié.
Là encore, les mesures prises en contexte sanitaires portent atteinte aux droits de ces personnes puisque les audiences ne sont plus publiques et que le recours à la visioaudience, voire les audiences par téléphone (cour d’appel de Montpellier) se généralisent. Il suffirait pourtant, dans une optique de protection de la population, de mettre fin aux rétentions…
L’impact des mesures prises sur les lieux de privation de liberté
Les mesures « sanitaires » dégradent les conditions de vies. Ainsi, en prison les promenades et visites ont été suspendues. Dans les hôpitaux psychiatriques, les personnes hospitalisées sous contraintes si elles sont encore plus limitées dans leurs mouvements paient aussi la diminution du nombre de personnels soignants qui implique le recours à des traitements plus dégradants. Nous nous inquiétons des répercussions psychologiques et physiques et ne voyons qu’une seule solution sanitaire : l’amnistie pour les personnes en détention provisoire, en fin de peine ou condamnés à de petites peines.
Les mesures d’exception prises en matière judiciaire sont bien plus des mesures répressives que des mesures sanitaires. Il s’agit de choix politiques et non sanitaires ou même justifiés juridiquement. Vider les centres de rétention, amnistier les prisonniers, cesser de mettre en œuvre des procédures privatives de liberté, pourvoir les tribunaux, les prisons, les commissariats de matériel sanitaire de protection, seraient des mesures sanitaires indispensables à l’endiguement de l’épidémie.
Au lieu de ça, le gouvernement choisit de continuer à remplir des prisons surpeuplées en détruisant encore un peu plus les droits de la défense.