Le 13 avril, Macron a annoncé le début progressif du déconfinement pour le 11 mai. Mais la manière dont il l’a fait révèle les contradictions typiques d’un État capitaliste qui constate qu’il est dépassé par la situation. Des contradictions qui auront de lourdes conséquences.
D’un côté, Macron veut satisfaire le patronat et les économistes partisans de la « relance de la croissance » dans les plus brefs délais. D’autre part, il doit écouter les exhortations du corps médical à prolonger le confinement tant que le pays n’aura pas les moyens de pratiquer un dépistage massif.
Le résultat est donc un compromis entre notre santé et les profits des entreprises : une réouverture des écoles pour permettre aux parents d’aller travailler… mais pas des cafés et des cinémas par exemple. Et des tests de dépistage pour les personnes présentant des symptômes… mais pas pour mener une campagne de dépistage de masse en étendant en particulier les tests à l’entourage de chaque personne contaminée !
Résultat : l’épidémie repartira à la hausse. Le système hospitalier sera de nouveau débordé. Nous connaîtrons des périodes de reconfinement.
Pas de stock de masques en février, pas de kits de dépistage, pas de capacités productives pour répondre aux besoins, une recherche scientifique qui doit rattraper des années de retard pour comprendre les mécanismes de propagation des coronavirus… Tout cela est la conséquence d’une économie capitaliste obsédée par le court terme, le flux tendu, le low cost, la course au profit.
En plus de la crise sanitaire, le monde va devoir faire face à une crise économique gigantesque. Pour contrer cela, la solution promue par Macron n’est évidemment pas de tout remettre à plat pour changer la manière dont l’économie fonctionne, mais de tout faire pour relancer la machine et maintenir à un niveau acceptable les profits des actionnaires.
Les remerciements hypocrites
Le discours a démarré à 20h02, pour, d’après l’Elysée, permettre aux Françaises et aux Français d’applaudir les soignant·es. Et c’est ainsi que démarre le discours du Président, avec un « hommage » aux travailleuses et aux travailleurs en « première ligne », « deuxième ligne » et « troisième ligne ». Mais ces remerciements sont bien hypocrites. Les soignant·es, la « première ligne », dénonçaient massivement depuis un an l’effondrement de l’hôpital public, dans l’un des plus gros conflits sociaux qui a touché le secteur hospitalier. Les caissiers et les caissières, les éboueurs et les éboueuses, les travailleuses et les travailleurs sociaux, la « deuxième ligne », protestent depuis un mois contre leurs conditions de travail déplorables. Et les salarié·es confiné·es, la « troisième ligne » sont furieux de la gestion de la crise par le gouvernement.
Des responsabilités non assumées
Surtout, Macron a fait mine de reconnaître des manquements dans cette gestion de crise, sans en assumer la responsabilité. Les pénuries de masques, de tests et de gel hydro-alcoolique ne seraient que des hasards malheureux qu’il a fallu régler ! Alors que cela correspond à la politique de destruction de l’hôpital public, des réductions de dépenses publiques sur le dos de notre santé !
Et l’irresponsabilité du pouvoir continue avec les perspectives de déconfinement. Le gouvernement nous avait déjà expliqué que le port systématique de masque était inutile, puisqu’il n’y avait pas suffisamment de masques. Maintenant, le port de masques devient utile, puisque des commandes vont arriver… mais ce sont les tests systématiques qui sont devenus inutiles. Seuls les tests des personnes présentant des symptômes seraient bienvenus. Ceci contrevient aux explications des scientifiques, qui disent bien que l’on peut porter le virus sans avoir de symptômes, et qu’il faut donc tester tout le monde pour pouvoir ne confiner que les personnes contagieuses.
Les actionnaires ne paieront pas
Le but de ces mensonges, c’est de faire peser le déconfinement sur des comportements individuels, plutôt que de remettre en cause la loi du profit. Il serait possible de mettre réellement la production au service des besoins si on décidait de changer les règles du jeu, si on décidait d’offrir à tout le monde des conditions de vie décentes plutôt que de garantir à quelques un·es des profits scandaleux. Pour commencer, on pourrait récupérer les dividendes versés aux actionnaires. Cet argent, c’est les profits qu’ils engrangent grâce à notre travail, alors qu’il soit utile pour une fois ! Qu’il permette de payer des tests systématiques et des masques pour tout le monde. Qu’il permette de maintenir les salaires de toutes les travailleuses et de tous les travailleurs des secteurs non-essentiels.
Aujourd’hui déjà, beaucoup de ces salarié·es sont au boulot, prenant des risques pour leur vie et celles de leurs proches, prenant le risque de propager le virus. Et celles et ceux qui sont au chômage partiel ont du mal à boucler les fins de mois.
En 2019, les actionnaires du CAC 40 ont reçu 60 milliards d’euros [1]. Mais plutôt que de récupérer cet argent pour endiguer la crise sanitaire et économique, Macron prolonge le système de chômage partiel : il revient donc à l’État, donc à nos impôts, d’indemniser les salarié·es. Macron promet également des aides pour les familles et les étudiant·es pauvres. Soit ! Mais cet argent provient de nos caisses à nous, plutôt que des poches pleines du patronat.
Pire encore. Pour permettre une reprise plus large de l’activité au 11 mai, Macron annonce la réouverture des écoles. Placer des enfants, particulièrement vecteurs et asymptomatiques, par centaines dans des établissements, c’est irresponsable ! Cela risque de faire repartir l’épidémie rapidement. Mais cela permettra surtout de libérer les parents pour retourner au boulot.
Macron joue à l’équilibriste
Ce que cherche Macron ici, c’est un point d ’équilibre : pouvoir maintenir au plus haut niveau possible les profits des entreprises et les dividendes versés aux actionnaires, tout en endiguant suffisamment l’épidémie pour que le taux de mortalité reste « acceptable » pour la population. Car le gouvernement prépare l’après. Et le Medef a prévenu, selon son président, il faudra « se poser tôt ou tard la question du temps de travail, des jours fériés et des congés payés pour accompagner la reprise économique » [2]. Et ça tombe bien ! La loi d’urgence sanitaire permet justement un large assouplissement du droit du travail, et ce jusqu’au 31 décembre 2020 !
Bref, ce n’est pas une économie de reconstruction du pays, comme après une guerre, que nous prépare Macron, le président des patrons, mais bien une économie de reconstruction des profits.
Nos luttes seules pourront faire pencher la balance, pour que l’on ne paye pas cette crise qu’ils gèrent si mal, pour que l’on décide enfin pour nous-mêmes.